Rencontre avec le vigneron: Cédric Ducoté, vigneron à Domaine Rolet, Arbois

Bonjour Cédric, d’où viens tu?  Je viens du Sud de la Bourgogne, porte du soleil où l’architecture des galeries Mâconnaises appelle à profiter de l’extérieur. Un petit village du nom de Prissé au pied du Grand Site Solutré/Vergisson. Mes parents sont vignerons.

Qu’est ce que tu aimes?  Être dehors par-dessus tout et de préférence loin des foules pour profiter de la nature qui nous offre chaque fois des moments de communion uniques. A chaque saison son activité et ses grands espaces. Je suis chasseur passionné et aussi mycologue (étudie les champignons), combo gagnant pour la cuisine et la gourmandise ! 

Qui dit chasseur dit aussi pour moi sonneur de trompe de chasse. Un instrument fort difficile à amadouer… J’aime répéter les soirs au domaine avant de rentrer. La résonnance est intéressante et permet d’affiner mes sons. C’est un instrument qui nous permet de progresser à chaque fois mais qui sait se montrer cruel si nous arrêtons les efforts… Les fanfares de trompes sont mon quotidien musical dans la voiture !
Je suis grand amateur de montagnes toute l’année. Chaque saison estivale complète un peu plus mon carnet d’ascensions. J’aime passer du temps dans le Massif du Mont-Blanc et le toit de l’Europe fait partie des courses réussies. Pour la petite anecdote la dernière ascension du Mont-Blanc date de 2016 avec mon Papa et mon frère.

Je ne suis pas pour autant un ermite qui ne souhaite voir personne ! J’ai passé les 12 dernières années à parcourir le globe pour porter la bonne paroles de nos terroirs uniques ! J’ai atteint la lune en distance parcourue en avion, ce qui est déjà pas mal à l’heure où la conscience écologique se rappelle à nos obligations de préserver notre planète. C’est pour cette raison que nous avons initié la conversion de notre philosophie de travail en 2018. J’ai aimé découvrir tous ces coins du monde ou le vin s’appelle fraternité. J’ai la chance d’exercer un métier qui allie histoire, terroir, traditions et voyages !

Qu’est ce que tu n’aimes pas ?

Je suis assez réfractaire à la non remise en cause que ce soit personnelle ou professionnelle qui veut que nous nous installions dans une sorte de quotidien immuable considérant que nous avons raison. Vivre sur ses acquis est un choix mais s’ouvrir aux changements et donc aux risques est l’avenir.
 Je n’aime pas non plus le RAP et qui au passage ne fait pas bon ménage avec le vin – mais je respecte ses amateurs.

CÉDRIC, LES VINS DU DOMAINE ROLET, SON TRAVAIL

Quel est le millésime que tu as aimé vinifier ?
2019 le vrai premier millésime depuis le début de cette aventure Jurassienne ! Un millésime qui a sévèrement  souffert du gel de Mai (-90% sur certaines parcelles) mais qui a ouvert la voie à une renaissance de notre philosophie de travail.

Quand as tu décidé de travailler dans la production de vin ?
Depuis toujours serait une réponse de Normand..  J’ai été bercé dans les vignes depuis toujours oui ! Et comme beaucoup à l’adolescence on ne souhaite pas vivre la même vie que nos parents, je n’y ai pas échappé. J’ai donc suivi un cursus général (Bac S spé Mathématiques puis Faculté de Biologie option Chimie-Biochimie à Dijon). Je suis alors parti à Paris pour étudier la génétique et c’est à ce moment précis, après un semestre loin des vignes et du milieu vigneron que le déclic s’est produit.
J’ai donc rejoint un domaine pour y travailler avant d’intégrer l’IUVV de Dijon et en suis sorti Œnologue en 2007. 

LES VIGNES DU DOMAINE ROLET

Qu’est-ce que tu aimes dans la région du Jura ? Comment se compare-t-il à la Bourgogne ?    

Le Jura offre tout à portée de main pour qui aime la Nature : le vin, la gastronomie, l’agriculture, les lacs, les forêts et les montagnes. A cela s’ajoute un patrimoine et une histoire culturelle des plus riches : nous pourrions cité la fameuse devise de la Franche-Comté : ‘Comtois rends toi nenni ma foi !’ Un laconisme reflétant bien la personnalité des Jurassiens : opiniâtres et déterminés !
C’est une région aussi appelé ‘Le Petit Québec’ qui trouve écho à mon cœur puisqu’ayant vécu 2 ans dans la Belle Province !
Si nous le comparons à la Bourgogne par le biais de quelques rapides raccourcis je dirais que c’est un vignoble en miroir offrant toutefois davantage de diversité géologiques et d’expositions grâce aux reculées du paysage Jurassien. En miroir aussi car l’un et l’autre se font face, séparés par la plaine de Saône qui lors de son effondrement à aider à créer les côteaux. Nous travaillons 2 cépages communs : Chardonnay et Pinot Noir qui savent se montrer très différents dans leurs expressions.

Qu’est-ce qui rend les parcelles du vignoble de Rolet si particulières ?

Ce qui rend les parcelles du domaine particulière c’est leur diversité géographiques et donc géologiques où la mise en avant de parcellaires trouve tout son sens. Patience !

Quels travaux faites vous en ce moment dans les vignes ?  Le domaine souhaite t-il engager une démarche de conversion vers la viticulture biologique ?  Le climat la rend-il facile à mettre en œuvre ?

Nous avons terminé les travaux de pliage juste à temps pour les premiers débourrements et nous débutons  les travaux de repiquages (remplacements), et de plantation.
Nous augmentons, pas loin du double !, les surfaces travaillées en viticulture biologique cette année avec 15 ha de vignes sans pesticide, nous faisons ce travail Louis Morel, notre chef de culture passionné et passionnant ! Nous avons d’ores et déjà demandé la certification pour nos premières parcelles commencées l’an passée. La météo 2019 a été clémente avec ce travail de longue haleine et nous a permis d’avancer plus vite que prévu. Le climat change nous le voyons encore cette année avec un hiver 2020 inexistant. N’oublions pas que c’est le temps qui décide et guide nos choix !

LES VINS DU DOMAINE ROLET MAINTENANT ET DEMAIN

Qu’est-ce qui rend les cépages locaux si intéressants ?

C : Un domaine c’est aussi une équipe de passionnés fiers de travailler au quotidien pour ce projet. Je laisse la parole à Jocelyn Broncard, maître de chai du Domaine Rolet.

J : La particularité des cépages Poulsard, Savagnin, Trousseau est d’abord que ce sont des cépages endémiques qu’on ne retrouve que dans le Jura à part quelques vignes en Suisse (Heida = Savagnin), dans le Bugey (Poulsard) ou au Portugal (Trousseau = Bastardo)…
 
Le Poulsard est un cépage rouge à pellicule très fine, apportant très peu de tanins au vin. Il est compliqué à la vigne et nécessite de nombreux relevages à cause de son port tombant et en vinification puisqu’il a tendance à réduire. C’est un cépage fragile qui ne supporte pas d’être trituré, donc on Domaine Rolet, on ne le foule pas et on ne le sulfite pas non plus pour limiter la réduction en vinification. On tachera de le vinifier à température plutôt basse pour un rouge, aux alentours de 25 °C, afin de préserver tout le fruit. La vinification a duré quasiment 1 mois en 2019, une première !
 
Le Trousseau est un cépage rouge avec pellicule plus épaisse conférant plus de structure au vin, j’aurai tendance à plus le travailler en vinification, macération préfermentaire à froid, remontages quotidiens pendant la fermentation et phase post fermentaire à chaud, pour un total de cuvaison proche de un mois.
 
Ces cépages rouges sont de plus en plus appréciés et recherchés, d’abord pour leur originalité mais surtout pour leur bonne buvabilité et accessibilité (tanins souples, arômes frais)

Le  Savagnin est un cépage qui a la particularité d’avoir à la fois un bon potentiel acide et un degré alcoolique potentiel élevé quand il est à maturité, c’est pour cela qu’il est adapté à l’élaboration de vin jaune.
Il fait partie de la famille des Traminers et quand il est vinifié ouillé, on retrouve des aromatiques proches des vins d’Alsace, sur les fruits exotiques, les agrumes et même parfois des notes pétrolés. Essayez notre Savagnin ouillé que nous appelons aussi Naturé !
Mais il est surtout connu parce qu’il est le seul cépage autorisé pour l’élaboration du vin jaune.

Peux tu nous parler de la vinification particulière du Vin Jaune ? 

J : Pour faire du vin jaune, on presse les savagnins, puis après un léger débourbage, on réalise une vinification classique en blanc, c’est-à-dire une fermentation alcoolique puis malolactique en cuve, il sera ensuite entonné puis élevé durant 6 années et 3 mois minimum, sans ouillage, grâce à l’apparition d’un voile de levures en surface, appelé parfois fleur. On ne pourra alors que suivre son évolution grâce à un prélèvement et une analyse de chaque pièce, 2 fois par an. Les maîtres mots seront donc surveillance et patience ! Au préalable il faudra s’assurer que le vin de base remplit toutes les conditions physico chimiques pour être dans les meilleures conditions. Les pièces devront subir également un nettoyage drastique afin de s’affranchir des problèmes de contamination acétiques.
 
A noter que nous avons 2 caves d’élevage complémentaires pour nos Savagnin de voile :L’une fraîche et humide construite au XIVème siècle d’architecture Romane qui va tendre à renforcer les caractères minéraux/fins et alcooleux des savagnin.L’autre plutôt sèche et tempérée sous les toits, à l’ancienne qui va au contraire affirmer la typicité et produire des vins plus capiteux. 
C’est l’assemblage de  ces 2 atmosphères qui offre à nos Vins Jaunes toute leur identité et complexité. Preuve en est si nécessaire les clavelinages que nous remportons tous les ans !

Quel est le profil Jurassien des vins issus des cépages Chardonnay et Pinot noir ?

J : Avec le Pinot Noir, l’idée n’est pas de rivaliser avec les pinots de Bourgogne, notre climatologie et nos sols, nous étant propres et différents de chez nos confrères. Nous ne travaillons plus le Pinot Noir en monocépage depuis 2018 ; en revanche il est très intéressant en assemblage avec les autres cépages rouges du Jura afin d’apporter structure et couleur. Il est également remarquable en pressurage direct pour l’élaboration d’effervescents juteux et fruités. Il est traditionnellement vinifié comme en Bourgogne, avec pigeage et élevage en fût mais je pense qu’il serait plus intéressant de le vinifier grappes entières avec élevage en cuve pour conserver au maximum son caractère fruité et gouleyant. C’est le but des prochains essais.
 
Avec le Chardonnay , la grande différence entre ceux de Bourguogne et ceux du Jura est la différence d’acidité : les chardonnays jurassiens sont beaucoup plus acides conférant aux blancs un potentiel de garde énorme. Les différences que l’on peut trouver entre les différentes appellations jurassiennes sont surtout dues aux différences de sols, argilo-calcaires à L’Etoile et Côtes du Jura, où les chardonnays apportent beaucoup de minéralité, alors que sur les sols marneux à Arbois produisent des chardonnays plus puissants et plus gras.

Ce que tu aimes dans un vin : qu’il se garde, qu’il soit bon tout de suite … ?

C : Je suis à la fois quelqu’un de pressé et de patient : je n’achète jamais une bouteille à l’unité mais toujours par trois ou voire même trois cartons : 1 à proximité pour se faire plaisir de suite, 1 en bas des escaliers et 1 au fond de la cave pour laisser le temps au temps. Je regrette toujours d’avoir trop attendu plutôt que pas assez.
La clé est de pouvoir offrir un vin qui puisse s’apprécier jeune tout en conservant son potentiel de garde : n’oublions pas qu’un vin est une ode au temps. Dans un monde qui va de plus en plus vite nous l’oublions souvent, et notre vinothèque de magnums est là pour nous le rappeler !
Attention toutefois tout le monde n’apprécie pas forcément les flacons avec de la bouteille. Les notes tertiaires doivent s’appréhender !

Le Domaine Rolet a une vinothèque qui pourrait faire pâlir les collectionneurs, quel est le millésime le plus ancien disponible ?

1979 ! Tout un chacun peut y trouver son bonheur. Nous avons de superbes verticales de monocépages ou assemblages blancs et rouges et des Vin Jaune bien sûr !

Quels sont les accords mets/vins que tu aimes le plus ?

Je considère qu’il n’y a pas d’associations idéales mets et vins. Chaque élément répondra à nos attentes et se suffira du moment que nous partageons un bon moment. L’instant compte tout autant que l’association.
Mais étant amateur de girolles (chanterelles) pour la cueillette, j’aime les préparer la majorité du temps avec ail/persil ou bien en crème qui sera plus à même de se marier avec un Blanc Tradition.

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