Bonjour Jérémie, d’où viens tu ?
Je suis originaire de l’Ouest de la France. Je suis né, j’ai grandi et je vis dans le vignoble nantais. A l’extrémité Ouest du fleuve « la Loire », proche de l’océan Atlantique et entre la Sèvre et la Maine au cœur de l’appellation Muscadet.
Plus jeune, je rêvais de partir, de quitter cet endroit, d’aller découvrir d’autres pays, d’autres cultures. Ailleurs, tout me semblait plus attractif et plus simple. A l’époque le travail de la terre me paraissait trop dur, trop exclusif.
Alors je l’ai fait, je suis parti découvrir mon pays puis l’Europe et le monde.
Je suis rentré depuis quelques années maintenant, je suis de retour dans mon village natal où je rénove ma future maison.
En m’éloignant, j’ai réalisé l’importance de mes racines
Qu’est ce que tu aimes dans la vie ?
Les choses simples, être en famille, marcher au bord de la rivière, j’aime l’odeur du printemps et le chant des oiseaux qui l’accompagne.
J’aime l’odeur des plats qui mijotent,
J’aime partir au bord de l’océan, pêcher à marée basse et partager tout cela avec des amis.
J’aime regarder l’horizon.
J’aime faire du surf et dormir le soir dans mes endroits secrets.
J’aime faire le marché et manger des produits frais, des tomates, des asperges, du poisson cru, ….
J’aime prendre des verres en terrasse et c’est certainement la première chose que je ferai à la fin du confinement !
J’aime les spectacles vivants, le théâtre de rue et la musique.
JEREMIE, SON TRAVAIL, SES VINS
Quand as tu décidé de revenir sur le domaine familial ?
En 2009, après 2 ans de voyage je me suis aperçu que ce que j’étais parti chercher se trouvait au point de départ : ma famille, ma terre ! D’abord pour donner un coup de main et au fur et à mesure de mon implication je me suis rendu compte que j’étais vraiment attaché à ces vignes et à cet endroit.
Qu’est ce que tu aimes dans la région du Muscadet ?
Le cadre de vie y est agréable et dynamique, océan et rivière sont à proximité. Les événements culturels ne manquent pas, nous avons beaucoup de bonnes adresses autant en bars qu’en restaurants. On y trouve aussi beaucoup de producteurs, pêcheurs, maraîchers, éleveurs, paysans, boulangers et autant de produit de qualité.
La région est en adéquation avec nos vins. J’aime cette image simple de notre vignoble et de nos vins, populaires, conviviaux, l’esprit guinguette et vin d’huitre, vin de comptoir.
La ville de Nantes et les bords de Loire sont sans complexe, on observe la joie simple d’être ensemble, des pique-niques et des balades.
Pourquoi avoir fait le choix de convertir le vignoble à une viticulture biologique ?
Libre à chacun de vivre sa vie comme il l’entend. Cependant il me paraissait évident que si je m’installais mon mode de culture serait biologique.
D’abord il a fallu convaincre mon père car il y a une contrainte technique importante pour se convertir, il y a la prise de risque, 3 années pour dépolluer les sols. Ce temps fut nécessaire et nous a permis de faire un travail sur nous-même et sur la vigne. Mon père a vite su dépasser ses craintes, me faire confiance et moi de m’approprier le métier.
En terme de dégustation, j’avais aussi très envie d’exprimer la richesse de nos terroirs et la culture biologique m’est apparue comme une évidence.
L’aspect écologique a aussi une grande importance. Je pense à ma santé, celle de ma famille et celle de mon voisinage.
Quel est le millésime que tu as aimé vinifier ?
Chaque année qui passe je prends de plus en plus de plaisir à vinifier.
On a une chance par an, on y pense toute l’année alors quand vient le moment c’est très excitant.
Le millésime 2014 était le premier, il est spécial à mes yeux et ce fut une réussite.
JÉRÉMIE, SES VIGNES, SES PARCELLES
Le Melon de Bourgogne est il précoce ou tardif chez toi ?
Le melon de Bourgogne est assez précoce. Avec les changements climatiques cela devient de plus en plus vrai. Dans ma jeunesse les vendanges avaient lieu fin septembre début octobre.
Pour cette année 2020 le printemps chaud et précoce nous contraint à nous tenir prêt pour la mi-aout !!
Est ce que tu vinifies des crus Muscadet ?
Depuis 2019, je travaille 2 crus. Il faudra donc attendre 2021 pour commencer à les déguster car le cahier des charges de l’appellation demande d’attendre deux ans d’élevage sur lie.
Il s’agit des crus : Monnières Saint Fiacre et Château Thébaud.
Le cru Monnières Saint fiacre : Il est situé au milieu des côteaux sur la rive gauche de la Sèvre. Mon parcellaire est butté à proximité immédiate du moulin de la Gustais (ancien moulin à vent). Le sol est pentu, de texture fine assez facile à travailler, limoneux sableux, de profondeur moyenne sur des altérites (décomposition de Gneiss).
Après 24 mois d’élevage, la particularité du Monnières saint Fiacre à la dégustation est le coté charnu, sa texture crémeuse et la subtile amertume en finale bien rafraichissante. Côté arôme on retrouve les agrumes, la fleur d’oranger et des notes balsamiques.
Le cru Château Thébaud : Ma parcelle est située sur un coteau en bordure de Maine en haut de la falaise d’une ancienne carrière de granit. Le paysage autour est très agréable et boisé. Le sol est pierreux et sableux et facile à travailler, il est peu profond et le sous sol ce compose de granit.
A la dégustation le cru Château Thébaud est très aromatique (fenouil, réglisse) en bouche il se révèle équilibré tendu avec beaucoup de finesse. L’élevage est plus long 36 mois.
J’élève ma cuvé Oxymore comme s’il s’agissait d’un cru, je lui accorde la même attention et le même travail. La parcelle est située non loin du domaine aux abords du village de l’Inlière. Le sol y est peu profond, et situé sur une petite faille composé essentiellement de gabbro. L’élevage pour cette cuvée est de 24 mois.
En bouche on note une belle tension très caractéristique, une belle longueur, des notes mentholées, citronnées, fumées et très minérales au nez. Oxymore nécessite de long mois d’élevage avant d’exprimer sont potentiel. Un grand vin de garde !!
LES VINS DE BATARD LANGELIER
Adaptes-tu les vinifications en fonction des vins de ta gamme ?
Les vins du domaine sont tous vinifiés de la même manière. On accorde une grande importance au travail dans la vigne, je suis de ceux qui pensent que le vin se fait à la vigne et je donne une attention particulière à la qualité de mes raisins.
Les vinifications se font de façon parcellaire, de plus en plus en levure indigène et avec un minimum de SO2. Toutes mes cuves sont en béton verré et souterraines : typiques en muscadet et idéal pour l’élevage sur lie. Le temps d’élevage diffère selon les cuvées et les parcelles.
D’où vient cette richesse d’expression du Melon de Bourgogne dans tes différents vins ?
J’ai la chance d’avoir hérité des vignes travaillées par mon père et mon grand-père avant lui. Mon père a toujours eu une grande estime pour le Melon de Bourgogne et nous avons un domaine qui comprend des parcelles de nature de sol différente : des granits décomposés sur des sols profonds pour la cuvée Polaris, des gneiss pour la cuvée Mataphore, des gabbro que l’on retrouve à plus ou grande profondeur.
Sur Didascalie, les Gabbro sont à 40/60 cm de profondeur et les vins ont toujours à la fois une belle minéralité et salinité. Ce qui est amusant c’est de voir tous les ans cette complémentarité aromatique de deux parcelles que nous utilisons pour la cuvée Didascalie. L’une donne toujours des vins avec une salinité très présente et l’autre des arômes d’agrumes, de citron jaune, vert. Didascalie est un assemblage de ces deux parcelles à parts égales. Tous les ans, l’assemblage s’accorde parfaitement.
Oxymore en revanche, vient aussi de vignes plantées sur des gabbro mais presqu’affleurant. Le résultat dans les vins est complètement différent. Oxymore est notre cuvée de garde, qui reste 2 ans sur lie fine. Lorsque l’on goûte Oxymore en cours d’élevage après 6 mois d’élevage, l’acidité est très marquée, le vin a besoin de plus de temps pour s’arrondir, mais ensuite, après 24 mois d’élevage, c’est à la fois un vin avec de la tension et du gras. Tout est très équilibré.
Métaphore sur les Gneiss ne donnera jamais de notes citronnées ou salées aussi marquées que dans Didascalie ; Sur Gneiss, nos vins sont plus ronds. Dès la mise en bouche nous sommes surpris par cette onctuosité. Les arômes sont ceux des pêches, brugnons.
Polaris est issu de jeunes vignes, cette cuvée fait ressortir les notes variétales du Melon de Bourgone, c’est aussi ce qu’on recherche pour cette cuvée : un vin facile à boire, très frais avec des notes de fruits exotiques.
Et donc toute la gamme découle de cette diversité de sol car je recherche les mêmes degrés de maturité des raisins lors des vendanges et je les vinifie de la même manière.
Dans le Muscadet, on laisse les vins sur lie plusieurs mois après la fermentation alcoolique. Quel est l’apport de cet élevage sur tes vins ?
Chez moi, les vins sont élevés sur lie par tradition, c’est une pratique qui tend à améliorer la qualité et la stabilité de nos vins mais aussi mettre en exergue nos différents terroirs.
Il faut aussi savoir que les Melon ne font habituellement pas la fermentation malolactique chez moi. L’acidité est trop basse et elle ne s’enclenche jamais (sauf sur la cuvée Métaphore issue de vignes sur Gneiss).
L’élevage sur lie et les batonages réguliers confèrent à nos muscadets plus de complexité aromatique et améliorent la sensation en bouche. Après plusieurs mois d’élevages les arômes se dévoilent, apportent de la rondeur et de la longueur en bouche. Nos muscadets, quelque soit la cuvée, sont élevés sur leurs lie jusqu’à la mise en bouteille. L’élevage dure de 6 à 36 mois en fonction des cuvées.
Polaris est le vin ayant un élevage plus court avec 6 à 8 mois alors que les Crus et Oxymore restent 24 mois sur lie.
Quel est le potentiel de garde d’un muscadet ?
Les terroirs du Muscadet recèlent de véritables pépites en matière de vins blancs fins, complexes et de garde. Pour cela ils doivent être travaillés en conséquence suivant les terroirs. Les élevages sur lie pendant plusieurs mois voire plusieurs années augmentent son potentiel de garde.
Par exemple, les Muscadet issus des sols de Gabbro et élevés 36 mois sur lie se gardent aisément plus de 10 ans en bouteille, nous sommes surpris par la netteté, la bouche fraiche et droite, la vivacité toujours présente. Avec le temps la finale devient longue complexe et très nuancée.
Le travail du sol et les cuvées parcellaires nous permettent d’exprimer l’essence de nos terroirs variés et de proposer une gamme. Tous les jours, je m’émerveille de la richesse de nos terroirs et de l’expression de notre seul et unique cépage le Melon de Bourgogne.
Quel est le millésime le plus ancien que tu as déjà dégusté ?
Malheureusement la réputation du Muscadet comme « vin de l’année » nous a fait beaucoup de tort. Aujourd’hui le potentiel de garde de nos vins est avéré. Heureusement les anciens ont toujours gardé leurs millésimes, grâce à eux j’ai eu l’occasion d’en déguster et la surprise est toujours la même, cette attaque vive, franche et une fraîcheur qui permet de révéler les arômes du temps avec une vivacité toujours présente et qui nous laisse en bouche un équilibre entre fraicheur et arômes complexes.
Sus aux préjugés, le muscadet bien fait est et à toujours été un vin pouvant se garder.
Si le côté iodé disparaît avec le temps la fraicheur persiste et c’est notre signature !
Qu’est ce que tu aimes dans un vin ?
J’aurais tendance à dire les vins blancs secs comme les petites pépites de chenin du val de Loire mais je suis assez ouvert, je n’ai pas de goût prédéfini. Je sais si j’aime un vin au moment où je le déguste, je suis curieux, j’aime le travail bien fait, j’aime ma profession, j’aime le vin, je suis un épicurien.
Quelles sont les spécialités de la région qui se marient bien avec tes vins?
Pour un Sèvre et Maine sur lie, évidemment des huîtres !!! Celles de Bretagne ont ma préférence, mais aussi des sardines grillées de Saint Gilles Croix de Vie au barbecue lors d’un retour de pêche.
La diversité de nos Muscadet nous permet des accords avec le sandre ou l’anguille (des incontournables de la Loire). Les crus s’accordent à merveille avec les poissons mais aussi avec de la viande blanche comme les poulets de Challans, la Saint Jacques, le bar de ligne, les Langoustines du Guilvinec, le Saint Pierre, les coquillages. Les accords sont aussi diversifiés que nos muscadets.
Je reste aussi surpris par cet accord de la cuvée oxymore 2009 avec un morceau d’Abondance non local mais parfait, tout comme la cuvée Didascalie avec la cuisine japonaise (sushi maki, …).
Nous avons aussi fait des accords culturels avec nos cuvées que je vous invite à découvrir sur notre site internet.