17 juin
En ce début de semaine, cap sur la Champagne, où le printemps s’exprime pleinement au cœur du vignoble niché dans la Côte des Bars, un terroir qui se rapproche plus de celui de Chablis plutôt que celui d’Epernay. Accompagnées par Delphine Brulez, nous avons parcouru ses vignes baignées de lumière pour observer les travaux viticoles en cours et suivre de près l’évolution de la végétation.


Nous avons eu le privilège d’admirer un paysage viticole d’exception, façonné par une remarquable diversité de sols. En 2024, le domaine a commandé une étude approfondie des terroirs afin de mieux comprendre les spécificités de chaque parcelle.

Sur les hauteurs des coteaux, les vignes s’épanouissent sur une petite surface où le sol, peu profond, repose directement sur une formation géologique de type portlandien quasiment affleurante. Ce contexte contraignant limite naturellement la vigueur de la vigne, réduisant sa productivité. Delphine ajuste alors soigneusement la charge en fonction de la vigueur afin de préserver l’équilibre de la plante. Aujourd’hui, ces pieds de vigne qui produisaient peu ont un meilleur rendement.
À mi-pente, les sols reposent sur un sous-sol kimméridgien, constitué d’alternances de marnes et de calcaires riches en fossiles marins, notamment de petits coquillages. Le domaine bénéficie ici d’un magnifique ensemble d’environ 8 hectares d’un seul tenant, ayant un dénivelé de 300m en point haut et 200m en point bas. Pour une vigneronne passionnée de géologie, c’est une véritable opportunité de pouvoir travailler des parcelles situées sur les différents étages de l’époque kimméridgienne, du niveau inférieur au niveau supérieur et d’adapter toute son approche au cas par cas, à l’échelle de la parcelle pour répondre au besoin du végétal.


Deux coupes de sol reproduites depuis la parcelle du domaine Champagne Louise Brison
A gauche – bas du coteau avec des colluvions sur argile grise
A droite, sol du milieu du coteau
Concrètement et grâce à l’étude détaillée de la géologie de sa parcelle, Delphine a pu résoudre le mystère d’une parcelle située à mi-coteau, toujours plus chétive que les autres. Une concentration trop importante en argile rendait le développement racinaire compliqué. La démarche d’adaptation de la charge à la vigueur sur cette parcelle et un enrichissement en compost a permis un bon soutien à la vigne pour la laisser développer des bois plus épais et de bonnes réserves en azote tout en produisant moins de grappes.

Un moment crucial pour la vigne
Dans le vignoble, c’est une période clé : tous les pieds de vigne sont en fleur. Le chardonnay achève sa floraison pour entrer dans la phase de nouaison, tandis que le Pinot Noir est en pleine floraison. Un constat s’impose depuis plusieurs années : les vendanges tendent à se rapprocher, ne survenant plus 100 jours après la floraison, mais plutôt 80 à 90 jours plus tard. Les prévisions s’orientent donc vers des vendanges début septembre.
Engagée en faveur d’une viticulture respectueuse du vivant, Delphine pratique l’enherbement naturel spontané entre les rangs. Cette couverture végétale préserve la fraîcheur, nourrit les sols et, à la fin du printemps, elle est roulée afin de pincer les tiges des graminées. En séchant, celles-ci forment un paillage naturel qui protège la terre. En complément, elle réalise elle-même ses composts, sur le haut d’une parcelle avec un mélange riche en bouse de vache, valériane et bois de taille en décomposition, destiné à régénérer les sols en profondeur.


Avant et après roulage

Compost élaboré par Delphine, composé de bouse de vache, de valériane et de bois de taille décomposés.
Dans les chais, une étape décisive pour les assemblages
Dans les chais, une phase décisive est en cours : les essais d’élevage des vins, une étape clé qui façonne leur style et leur identité.
En effet, les champagnes de Louise Brison se distinguent clairement des grandes maisons traditionnelles. Ici, chaque année, sont élaborées des cuvées millésimées, dans un style qui s’apparente davantage à celui des vins tranquilles qu’à celui des champagnes classiques. Tous les vins sont vinifiés et élevés en barriques, ce qui leur confère une belle complexité. Il en résulte des champagnes de gastronomie, conçus pour accompagner un repas dans son intégralité.
Soucieuse de révéler au mieux l’expression de son terroir, Delphine a choisi de collaborer avec la tonnellerie Mercurey, qui lui a fourni des fûts en chêne issus des forêts les plus proches de la Côte des Bar. Deux origines sont actuellement à l’essai : le chêne de la forêt de Chablis et celui de la forêt de Châtillon-sur-Marne.
Pour mener cet essai, Delphine prélève des moûts de Chardonnay provenant du haut, du milieu et du bas du coteau. Chaque lot est ensuite divisé en deux afin d’être élevé dans des types de barriques différents. Le choix du chardonnay s’impose naturellement : ce cépage, reconnu pour sa finesse et sa neutralité aromatique, permet de mieux percevoir l’influence du bois, sans en masquer les nuances.
Au terme de neuf mois d’élevage, nous avons eu l’occasion de déguster les résultats à ses côtés. Cette année, ce sont les barriques issues des forêts de Châtillon qui offrent la meilleure expression. Lors de nos dégustations, au nez et en bouche les expressions aromatiques étaient très intenses.
Delphine prévoit de poursuivre cette expérimentation sur plusieurs millésimes afin d’affiner ses choix d’élevage.

2ème dégustation axée sur les pinots noirs
Une deuxième dégustation a été réalisée, cette fois après les essais en barriques. Elle a porté exclusivement sur le Pinot Noir, avec une comparaison entre les premiers et les seconds hectolitres de la tête de cuvée.
En effet , le processus de pressurage du champagne est strictement réglementé. L’unité de mesure officielle est le marc, c’est-à-dire une unité de pressurage de 4.000 kg de raisin qui produiront 26,5 hl de moût pour la production. Cela se fait habituellement en deux voire trois pressurages. Le premier pressurage doux s’appelle cuvée ou encore tête de cuvée et donne en général 20,5 hl du jus le plus fin et le plus clair, surtout riche en sucre et en acidité, mais pauvre en tanins. Les pressurages suivants, avec plus de pression, s’appellent taille et donnent plus de minéraux, de colorants et de tanins, en extrayant davantage de peaux, de pépins et de pulpe.
Delphine procède chaque année à un pressurage encore plus précis, car elle fractionne en 4 ses pressurages notamment en deux parties distinctes la tête de cuvée pour avoir une précision supplémentaire entre les tous premiers jus de goutte et les derniers. Ils seront ensuite vinifiés et élevés séparément en barrique durant 9 mois et avoir ainsi au moment des assemblages plus de subtilité de vins différents.
Nous avons dégusté avec elle les barriques de pinot noir correspondant :
- Aux 1er moûts de tête de cuvée : les 10 premiers hectolitres
- Aux 2ème moûts de tête de cuvée : les 10 hectolitres suivants
Les barriques sont très différentes avec des 1er moûts plus aromatiques et des 2ème moûts plus structurés ! Cette différence affine encore plus le choix des assemblages. Cette dégustation a donc permis d’évaluer plus en profondeur la qualité des différentes fractions du Pinot Noir, et d’orienter avec justesse les choix d’assemblage pour les futures cuvées.
Travaux à venir et perspectives pour le millésime 2024
Les soutirages sont programmés pour cette semaine.
En ce qui concerne le millésime 2024, sa production est confirmée malgré les faibles volumes récoltés. Il devrait se rapprocher, en termes de profil, du millésime 2001. Compte tenu des quantités très limitées, une seule cuvée principale devrait être produite : la cuvée À l’Aube de la Côte des Bar, accompagnée d’un petit volume de Chardonnay.