L’AOC Crémant du Jura fête ses 30 ans

Cet automne, le Jura était en fête car l’appellation Crémant du Jura fêtait ses 30 ans !
Nous avions la chance d’avoir des bouteilles de crémant sous la main au domaine Rolet pour célébrer l’occasion.
Mais savez vous que le domaine Rolet a eu un rôle important dans la création de cette appellation ?
Nous vous racontons ici l’histoire de Pierre Rolet et son implication dans cette appellation importante, aujourd’hui connue et appréciée dans le monde entier !

Le 9 octobre 1995 était promulgué le décret d’une nouvelle appellation dans le Jura, celle de l’AOC Crémant du Jura, achevant ainsi le travail initié à la fin des années 1980 par Pierre Rolet, vigneron du domaine Rolet à Arbois alors président de la société de viticulture d’Arbois, Vice-président de la société de viticulture du Jura et représentant le Jura à l’INAO. 
 
Il aura fallu 5 années de discussions parfois animées et d’arguments pour convaincre l’ensemble des vignerons de la région pour passer de la production d’un effervescent sans appellation à celui d’une AOC Crémant.
 
Nous laissons Pierre Rolet nous reparler de l’origine de cette idée et du cheminement pour la faire aboutir.

Interview de Pierre Rolet Novembre 2025

Le Jura a toujours produit des vins effervescents, il s’en faisait depuis plus d’un siècle et demi mais sans appellation. Or j’avais remarqué que la création de l’appellation Crémant de Bourgogne puis rapidement après de celle de Crémant d’Alsace, avait permis l’émergence d’une image de qualité auprès des professionnels et des consommateurs en général.
A l’époque la production d’effervescents du Jura était reconnue seulement localement et la qualité était disparate, d’où mon idée de venir se raccrocher à la famille des crémants.
 

  • Ceci amenait de nombreuses contraintes car les règles de production étaient plus strictes :
    il faut utiliser seulement 150 kg de raisins pour produire 100 litres de moût et donc manipuler le pressurage avec délicatesse.
    l faut également séparer les différents moût entre les débuts et fins de presse.
  • Tout ceci est par ailleurs contrôlé.

Aussi, je devais convaincre mes collègues producteurs du bienfondé de cette idée. Avec quelques premiers confrères (André Tissot, Daniel Dugois, Lotain Grand, puis le directeur de la fruitière d’Arbois et Marcel Jacquier, directeur de la maison des vins de Crançot) qui adhéraient à ce projet, nous avons organisé des dégustations d’effervescents à l’aveugle pour montrer à tous la variation de qualité et faire avancer l’idée dans leurs esprits.
 
Il se produisait déjà dans la région des effervescents avec des élevages sur latte et des méthodes proches de celles des Crémants aussi, nous pouvions organiser des dégustations à l’aveugle des deux types d’effervescents : vinification type crémant et simples mousseux.
Les différences de qualité étaient notables et de plus en plus de collègues étaient partants.
 
Toutefois à la même période, une pétition avait été lancée par des réfractaires pour aller contre l’obligation de ne produire plus que du Crémant dans la région. C’était un principe demandé par l’INAO qui avait remarqué que lorsqu’il y avait cohabitation de simples effervescents et de crémants, le Crémant ne trouvait pas bien sa place. 
 
La pétition avait rapporté 130 signatures et cela compliquait le dossier. 
 
J’ai tenté de faire preuve de diplomatie avec les uns et les autres pour continuer à convaincre que l’AOC Crémant était une bonne solution pour nous tous, pour produire des effervescents de qualité et aider à la renommée des vins de la région. Pour arrondir les angles j’avais proposé de laisser aux vignerons 5 ans pour abandonner la production de simples mousseux et faire ainsi une transition plus douce.

Résultats :

  • la 2ème année seulement 5 vignerons continuaient à en produire
  • la 3ème année, il n’y avait plus de revendication de mousseurs dans le Jura ; tout le monde se rendait compte que la qualité était nettement meilleure.

 
Le dossier était bouclé en février 1995 mais en septembre, le décret ne sortait toujours pas, et je m’en inquiétais car la date des vendanges arrivait. J’ai dû solliciter l’intervention du député de l’époque. Pour finir, il aura fallu 6 mois pour qu’il soit signé le 9 octobre 1995.
Mais cette appellation nous a aidé dans les débuts de commercialisation à l’export. En effet dans les années 1990, nos vins rouges, naturellement peu colorés n’étaient pas remarqués et nos vins blancs typés parfois compliqués à comprendre. Les clients ne savaient pas trop comment positionner les vins du Jura.

Avec l’image des Crémant du Jura, nous avons tous pu ouvrir de nouveaux marchés à l’international.

L'équipe du Domaine Rolet aujourd'hui avec de gauche à droite le chef de culture Louis Morel, l'oenologue, Chloé Weber et le directeur, Cédric Ducoté.

Depuis 2018, Cédric Ducoté dirige le domaine Rolet avec le même souci de qualité qu’hier. 
 
Les vinifications de nos crémants sont très minutieuses avec un pressurage lent. Les élevages sur lies fines des vins clairs durent jusqu’au printemps pour mettre en bouteille des vins dotés d’une belle matière initiale. Ils n’ont pas fait de fermentation malolactique pour garder tout le ciselé du vin de base. Enfin, les élevages sur latte sont longs pour obtenir une bulle fine, une complexité aromatique et une belle longueur. 
 
Ainsi notre crémant brut est élevé 3 ans sur latte, le blanc de blanc Cœur de chardonnay, 4 ans et le blanc de noir, 4 ans. Une gamme précise privilégiant le temps et des dégorgements réguliers et récents.
 
Cette année encore, nos crémants ont été largement récompensés par de nombreux concours et magazines spécialisés ou non comme le Guide Bettane&Desseauve, la Revue du Vin de France, Le Figaro, Vinum etc. et ont reçu de belles récompenses.
 
Nul doute que nos crémants du Jura font partie des incontournables de l’ensemble de la gamme. Toutefois nous souhaitons tout autant préserver la spécificité des vins du Jura avec nos vins rouges, nos vins blancs et bien entendu noss vins sous voile, typés et emblématique de notre belle région, mais se faisant de plus en plus rare dans le Jura
Aussi, nous replantons les cépages Trousseau et Poulsard pour travailler sur la diversité de gamme et l’expression parcellaire. La gamme des vins sous voile est riche et s’articule sur deux appellations Arbois et Côtes du Jura.
 
Porter haut les couleurs du Jura s’inscrit également dans les démarches collectives à laquelle le domaine a toujours souscrit, avec les évènements régionaux emblématiques comme la Percée du Vin Jaune ou encore la fête du Biou. 
Le Jura reste une petite région par la taille mais grande par son identité et la qualité de ses vins.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.